Le mix de l’anaphore

Les mix de l’anaphore de Hollande semblent avoir été nombreux, comme le signale Rue89. C’est bien le signe que quelque chose s’est passé à ce moment du débat.

François Hollande souligne par cette figure rhétorique la litanie des travers insupportables de Nicolas Sarkozy pour mieux s’en démarquer. Cette tirade est particulièrement lourde, répétitive, bien trop longue a priori, mais elle agit finalement comme un précipité, pour énoncer une dernière fois longuement tout ce que nous souhaitons rejeter, expulser, dégueuler pour nous en débarrasser enfin. La fortune de ce moment de débat est le signe d’une page qui se tourne, l’annonce d’un soulagement dans quelques jours.

On peut saluer la talent de Hollande à ce moment. Il a assuré (sur France Inter) avoir eu l’idée de cette formulation seulement à l’instant où il l’a prononcée, sans l’avoir préparée à l’avance. J’ai envie de le croire. Voici le texte de cette désormais célèbre anaphore.

Je veux être un président qui d’abord respecte les Français, qui les considère. Un président qui ne veut pas être président de tout, chef de tout et en définitive responsable de rien.

Moi, président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l’Élysée.

Moi, président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur.

Moi, président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fonds pour mon propre parti dans un hôtel parisien.

Moi, président de la République, je ferai fonctionner la Justice de manière indépendante. Je ne nommerai pas les membres du parquet alors que l’avis du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été dans ce sens.

Moi, président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les directeurs de chaînes de télévision publique. Je laisserai ça à des instances indépendantes.

Moi, président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire.

Moi, président de la République, j’aurai aussi à cœur de ne pas avoir un statut pénal du chef de l’État. Je le ferai réformer de façon à ce que, si des actes antérieurs à ma prise de fonction venaient à être contestés, je puisse, dans certaines conditions, me rendre à la convocation de tel ou tel magistrat ou m’expliquer devant un certain nombre d’instances.

Moi, président de la République, je constituerai un gouvernement qui sera paritaire : autant de femmes que d’hommes.

Moi, président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres qui ne pourraient pas rentrer dans un conflit d’intérêts.

Moi, président de la République, les ministres ne pourront pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local, parce que je considère qu’ils devraient se consacrer pleinement à leur tâche.

Moi, président de la République, je ferai un acte de décentralisation, parce que je pense que les collectivités locales ont besoin d’un nouveau souffle, de nouvelles compétences, de nouvelles libertés.

Moi, président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés, aussi bien les organisations professionnelles que les syndicats, et que nous puissions avoir régulièrement une discussion pour savoir ce qui relève de la loi ou ce qui relève de la négociation.

Moi, président de la République, j’engagerai de grands débats. On a évoqué celui de l’énergie et il est légitime qu’il puisse y avoir sur ces questions-là de grands débats citoyens.

Moi, président de la République, j’introduirai la représentation proportionnelle pour les élections législatives – pour les élections, non pas celles de 2012 mais celles de 2017 – parce que je pense qu’il est bon que l’ensemble des sensibilités politiques soient représentées.

Moi, président de la République, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vue pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions. Mais en même temps, je ne m’occuperai pas de tout et j’aurai toujours le souci de la proximité avec les Français.

J’avais évoqué une présidence normale – rien n’est normal quand on est président de la République puisque les conditions sont exceptionnelles. Le monde traverse une crise majeure, en tout cas l’Europe ; il y a des conflits dans le monde, sur la planète ; il y a l’enjeu de l’environnement, du réchauffement climatique. Bien sûr que le président doit être à la hauteur de ces sujets-là ! mais il doit aussi être proche du peuple, être capable de le comprendre.