Robert Badinter, à propos de la politique pénale
Par F. le 26 janvier 2009, 15 h - Politique - Lien permanent
Ce matin, Robert Badinter était aux « matins de France Culture ». Voici ce qu’il disait de la politique pénale de Nicolas Sarkozy. (Voir l’annexe, ou le podcast du blog.)
Je rappelle simplement que la politique pénale qui a été conduite depuis la nouvelle législature est à mes yeux désastreuse. Je ne mets pas en cause la personnalité de Madame Dati. Je le dis clairement : c’est une politique qui est dictée par l’Élysée, et elle est axée sur la prison.
Que ce soient les peines-plancher, que ce soit ce qu’on prépare pour les mineurs, que ce soit — j’ai eu l’occasion d’en parler ici — ce changement radical de philosophie pénale, qui a fait passer une justice qui reposait sur la responsabilité, qui est la contrepartie de la liberté, à une justice de sûreté, où vous êtes responsable, non pas de ce que vous faites, mais — ce qui est à mes yeux monstrueux — de ce que vous êtes. On a changé, sans peut-être même s’en apercevoir, les fondements même de la justice pénale.
Comment voulez-vous que je ne réagisse pas en disant : voilà une entreprise conduite brutalement, sans donner l’impression qu’on a réfléchi profondément au problème, et qui a véritablement des conséquences en ce qui concerne la situation carcérale actuelle. Je rappelle l’inflation en cours, je rappelle hélas les conséquences que cela a. [...]
On ne cesse d’accroître la population carcérale au pire niveau : celui des courtes peines qui se déroulent dans les maisons d’arrêt, et on sait qu’il y a là une impossibilité absolue de réinsertion, de faire quoi que ce soit pour permettre celle-ci. C’est destructeur de personnalité, destructeur de famille, et c’est le foyer même de la récidive, compte tenu que, quand il y a trois ou quatre détenus dans une cellule de maison d’arrêt, on sait très bien ce qu’il advient des plus jeunes, et comment ils ressortent.
Mais c’est cette politique de pompier-pyromane, je le dis, avec cette espèce aussi d’inhumanité d’une situation carcérale, qui est la marque de la justice actuelle. Vous comprendrez que je n’aie jamais cessé de m’élever contre elle.